Cure éternelle

Jeudi 16 mai 2024 à 14:55

Ça va.


Ça va et c'est étrange.
A écrire, à vivre, à marmonner.

Ça va et je ne sais pas.
Tout comme je ne sais pas quand ça ne va pas.

Est-ce que les gens se demandent ça ? se demandent pourquoi ?
Ou suis-je seul, là encore, là toujours, à m'interroger de tout ?

Dans quelques mois, 35 ans. Toutes ces secondes mortes qui poussent fort et sans fin. Vers la fin.
Ce spectre d'âge marche grand dans mes ombres, sur ce parquet blanc de soleil ou dans les recoins froids de ma tête. Un puzzle mal foutu, labyrinthe jardin ; une foire abandonnée.
J'y suis invité-prisonnier, roi et esclave, à apprendre l'art de me rassembler ; être juge non despote, horizon idéal.

Survivre, est-ce là mon unique fierté ? Honneur sans médaille, tant de freins pour tant de failles.

Tu le sais mieux, après tout : être toi est cher payé.

Mais tu le sais mieux, avant tout : être toi, c'est souffrir libre.


Corsica

Mardi 16 avril 2024 à 21:13

Assis sur la plage, tout de noir dedans dehors, je suis des yeux la mer et le ciel, leur ballet pâle sous mon regard lassé. J'observe les ruées et ne pense qu'aux miennes, ravageuses et pur chaos, qui me mouillent du coeur aux chevilles et me laissent navire en dérive, épave éparse.
Déjà, les poissons serpentent entre mes entrailles. De partout, des algues poussent soudain, mon bois gonfle et verdit. Peu à peu, je deviens sous-marine, caillou coulé. Et au fond de mes abysses, je m'enlise, et au plus fort de mes abîmes, je moisis.

Ca y est, c'est la fin, c'est le fond.

M'entendez-vous hurler ? Quelqu'un, quelque part dans tous recoins de ma tête ou de ce monde infâme, percevez-vous mes cris, douleur et rage ? ceux que je tais de mon mieux au flou des nuits blanches, au gré de mes monstres avides que j'avine toujours plus, toujours pleins.
Sous le soleil corse, mes cicatrices virent au clair, strient ma peau brune comme des herbes folles. Le sel et la chaleur me ramènent à des images d'enfant, à ces heures tendres et fraîches où la mort et moi n'étions qu'inconnus, jusqu'à ce qu'elle me prenne en affection, me voit amant et se blottisse sous mes rames, dans mes reins.
Je les porte en moi, elle et ses poisons lourds, une amie létale, latente. Je m'épuise dans ce rôle dur qui pèse sur mes os et brise mes côtes. Mais tout tombeau que je suis, je ne serai pas Rome : je me noircis et m'enfume mais ce brasier ne me fera pas cendre en un jour, pas cendre un jour. Qu'il me dévore à son gré, j'érigerai sur mes ruines, entre feu et fange. Me croire fort ne suffira pas mais cela suffira.

Il nous faut du temps, chère armée ; celui de combattre et de bâtir, puis de reconquérir. Se tuer à la tâche, attendre les jours et tenter de vivre, pieds au sol et armures en main, jusqu'à la délivrance de l'ultime vague.

[ __août 2021__ ]

MAX-VIL

Mardi 16 avril 2024 à 2:18

Liv me dit :"Max est au ciel et le ciel est partout."
Elle porte son tee-shirt des Stones, vus en concert la veille, entre douleur, paternel et "White Horses".

On a bu quelques verres, puis le bar a fermé.
Oui, désolés mais voilà, on est dimanche, vous comprenez.

J'ai payé toute l'addition pendant que Liv tentait de survivre.
En attendant la drogue, on s'assoit sur le trottoir d'en face, dans le creux d'une impasse. Au-dessus de nos têtes, les immeubles grands, habités, éclairés.
Liv parle pleure, trop pour couper.
Je prépare ses traces sur mon téléphone et elle les prends toutes, sans discuter.
Autour de nous, Paris fait sa nuit et celle-ci ressemble à toutes les autres.

Il y a dix jours, Max s'est pendu entre deux couchers de soleil. Il est mort seul, comme tous les morts, et il souffrait seul, comme tous les vivants.
Dans le tas de nous tous, il y a ceux qui partent et ceux qui restent.
Ce soir-là, Liv a hésité à partir, elle aussi. Et moi, quelque part entre les deux, à lui prêter mon temps et mon oreille, 
à récolter ses pleurs et ses secrets, nos nez dans la blanche et le bas de nos corps sur le bitume, je me sentais comme ces grottes où l'on hurle ou ces arbres qu'on enlace.

"Je te le dis à toi, Mave, et à toi seule, parce que je sais que tu vas comprendre. Je sais que tu peux écouter, je sais que tu n'auras pas peur. Les autres, je les aime, évidement que je les aime, très fort, mais ils ont peur. Et moi, j'ai besoin de parler de ça, j'ai besoin de dire que je ne sais plus ce que je fais là, que je lui en veux, à Max, et que j'ai envie de le rejoindre. Je ne vais pas le faire ! Enfin, je ne crois pas mais j'en envie. Tellement envie et c'est injuste."

Elle me raconte tout ou presque.
Elle me raconte beaucoup.
Je réponds.
 Ou pas.

La drogue et ses mots cadencent les heures, nous conduisent au jour prochain, à tous les jours qui nous attendent encore et qu'il faudra apprendre à aimer un peu, le temps d'en voir quelques-uns de plus.
Si peu de jours...

Alors on s'est enfermées là, dans l'été et notre ville, dans la douleur de Liv et le départ de Max, dans nos peaux froides moins que la sienne, glacée et bientôt sous terre.
On s'est lovées dans nos poisons puérils, nos fatigues trop grandes, nos souffrances éternelles dont les adultes béats bêtas disent toujours :"Ca va aller, ça passera, tu verras.".

Et qui ne passent pas.

On s'est réfugiées comme ça, le chagrin de Liv contre mes bras de géant fragile. Plus d'une fois, ses larmes ont appelé mes doigts, transformés en bateaux de fortune sur tempête triste.
Je regarde sa main, sans cesse prête à saisir la mienne, ancre forte ou trop légère ; mais bien là pour elle, pour ses épaules écrasées, pour tous ces poids proches de plier.

Quand tout est devenu bleu sur Bastille, lundi avait déjà commencé. On aurait pu rester ainsi, oublier tous les "on doit" et le bel avenir dont les gens parlent, continuer à frotter nos blessures et fuir les combats, perdus trop peu gagnés.

Mais Liv m'a dit en essuyant son nez :"C'est bon. C'est bon maintenant, vraiment, on peut rentrer.". Alors on est rentrées, le dos cassé et le cul devenu plat, retrouver ce monde grouillant autour et qu'on devait affronter.
On s'est séparées sans effusion, un peu noyées, chacun son taxi et rentre bien, appelle-moi, on se revoit vite, je t'aime, ouais, je t'aime moi aussi. Le retour sur fond de jazz, un message au boulot, prévenir qu'on bossera du canapé et que c'est comme ça.

Dormir une heure, même si la tête ne veut pas, relancer le fade du quotidien et tout ce qu'on y traîne. Mélodie des rouages, plus machines au fond que nous-mêmes.

Maxime s'est tué en juillet.
Nous, jusqu'à ce que
on reste là.


[Dimanche 24 juillet 2022]

Sick Spring

Mercredi 10 avril 2024 à 19:28

Et je reste là.
Avec mes clopes, mes médocs, mes verres et mes diagnos.
tic
... tac ?

Tout ça fait boom ! trash et dru, me rend plein d'eau, me prend plein de vie.

Les amis se font rares et geignards, m'assaillent de problèmes débiles-bénins que j'écoute sans compassion ni passion. Leur monde peut bien se faire braiser et eux mal se lamenter. Avant les gens, MON déluge et qu'ils s'envolent vite, vers quoi ? je ne sais pas mais pas vers moi.
Peu m'importe, peu me portent et bon-vent-cassez-vous-merci à tous ceux qui sortent.
Priez pour que je vous repousse parce que je ne partirai pas.

Sous le soleil de ce putain de printemps, les autres se pressent et éclosent. Sauvages virus à pied et deux mains, amas de peaux grasses qui se répandent ; ça sue et gesticule.

Je me tiens au loin, je me tiens debout et tout me tire vers l'avant.
Je me retrouve alors, soulagé tout entier malgré mon corps qui enfle, fend et se flingue. Il lâche en solitaire et je voudrais lui lâcher les chiens.
Mais je laisse faire : aucun droit sur ses droits alors qu'il tombe, tombe, tombe !

Six pieds en l'air.
Pas besoin de creuser.

Je l'ai bousillé assez, je sais. Mais j'étais en haut, tu sais ? je réparais les trous et ma tête. Qui ne tient qu'à un fil et n'en fait qu'à la sienne.

On est durs bosseurs, au fond ; ouvriers brusques qui besognent chacun à ne pas craquer et on vise les failles, voyez-vous ? pour les défissurer.
On y arrivera, on est si proches, si prêts, soudain, de ne plus penser à la fin.

Enfin !

N'abandonnez pas, ni maintenant ni jamais.
Vous êtes à moi, vous le savez et je vous bien ai en main.

Comprenez, résistez ! qu'on n'ait pas vécu jusque-là pour les chiants, qu'on n'ait pas vécu jusque-là pour crever là, qu'on n'ait pas vécu jusque-là pour rien, qu'on n'ait pas survécu jusque-là pour ne pas voir demain.


Spring Spleen

Lundi 8 avril 2024 à 14:56

Et juste comme ça, au-dessus de ma tête, le printemps avait débarqué. Les arbres refournis bouclaient comme mes cheveux lourds, l'insupportable bleu chassait précipitamment le gris.
Les nuits bercées de vent et d'eau de la veille seraient désormais peuplées de bruits, de cris, de corps mouvants, dansants, buvants. Les rues suivraient le même chemin, le même refrain. Parce que tout recommence toujours.

Rien à y faire, si ce n'est attendre et glisser vers la suite, pas à pas, mois par mois. Une longue route où mes pieds se tordent, sur laquelle ma patience s'épuise. Moins que moi, espérons, et mes principes tiendront bon.

Le Loup de février

Samedi 16 mars 2024 à 22:43

Je ne dors pas avec toi pendant 5 minutes.

Il me l'a répété deux fois, croyant que mes yeux avaient fait pause.
Cinquième film d'horreur de la soirée.

Il me le répète, mais non.
Rare que je m'accorde un peu. Mais à mes côtés seulement, Loup s'autorise. Il me parle, parfois non et parfois plus. Il s'allonge, retire ses lunettes et s'endort sur l'instant. Toujours trouvé ça fascinant, cette facilité à tomber d'un coup. La chute est soudaine ; l'abandon, brutal. Epuisé ou détendu, je ne sais jamais. Et je ne demande pas.
Il se repose, pas moi.

C'est bien comme ça.

De l'autre bout de l'oreiller vert velours, je le regarde. Lui, ses paupières comme des oiseaux posés et sa respiration de plomb tournés vers moi.

Je ne dors pas avec toi pendant 5 minutes. Après, je vais fumer une clope.

Une façon de se rassurer, sans doute.
Ou l'alcool a fait son boulot.

A une époque, Loup enchaînait deux bouteilles de Jack et vingt cachets de Xanax.
Mon choc ? la qualité du whisky.

Je l'observe dans le silence, sans admiration ni tendresse. On ne se comprend pas vraiment mais on se comprend plus que trop de gens. Dans sa tête aussi, c'est un grand feu, un géant flou. Comme chez moi, ça finit en sang. Comme chez moi, tout brûle partout.
On ne s'aide pas, on ne s'aime pas, on s'écoute à peine. Mais on se tait et on reste, soucieux de ce petit espace qui le protège de moi et me protège de lui.
Entre nous, deux rives ou deux rails mais qu'on ne se rejoigne pas. On s'en tient là, chacun de son côté du monde, si fiers, bien froids.

Un jour, Loup a saisi mes doigts, les siens s'y sont glissés.
Ce n'est pas dans nos rituels, tu vois.

Nous, on ne fait pas ça.

Pourtant, je n'ai pas parlé.
Et j'ai serré.

On est restés dans le canapé, longtemps.
Je n'ai pas compté.

Puis mon rire bref, droit devant.

Loup a demandé : "Quoi ?", comme si ça comptait.
J'ai répondu vers le plafond : "Rien. On est tellement foutus."

Et Loup savait.

Sa main se repose, maintenant.
La même, toujours sur la mienne.
Sa paume tapisse mon poignet droit. Parce que Loup m'enlace toujours quand il ne le sait pas. Je ne connais rien de ces rêves en réclame mais je lui laisse, je 
donne le droit.

Il se plaint de mes seins, ronds et imposants sous sa tête, avion atterri. Sans même se demander ce qu'il foutait là, dans mes bras.
Syliam me dit souvent qu'elle le trouve bien avec moi.
"Bien".
Je connais mal. Où le trouve-t-il dans tout ce moi ? mais je n'empêche pas.

On se rejoint souvent ainsi, avant l'aube qui pépie. Nos deux torses se font face, au-dessus de notre grand creux. Lui fatigue et chaque fois, je guette, éclaireur averti : son sommeil est en chemin, il ne tardera pas.
Une cérémonie de bêtes blessées, de frères féroces. On mène nos guerres dans nos propres contrées. Au fond, le film aboie et on n'écoute plus, on ne le finira pas, on le verra d'autres fois et demi dans le bleu noir d'autres nuits.

On ne se regarde pas, on se sait là, loin de nous comme on est loin de tout. 

Puis les pas du lendemain, qui remet nos choses où il faut. La fenêtre est refermée.
 On se redresse, on se sépare et on reprend. Syliam revient dans le salon, on redevient trois. Je me lève pour elle, Loup baille, s'étire, se plaint de son dos.

Soudain, c'est doux de nouveau.

Loup et moi, on se dit au revoir sans se le dire, dans le chaud du café.
Je ne sais pas quand, je ne sais pas jusqu'à quand.
On sait juste qu'on gardera le gouffre au même endroit.

En attendant.

03.02

Mercredi 3 février 2021 à 1:09

Février sera vite arrivé.
Le temps me joue des tours et avec lui, le retour des failles.

Tout craque dans ma tête, grenier usé, gardien d'ombres et de soirées oubliées. Les souvenirs se font file et je m'y glisse, je m'y perds et quelque part entre eux, je me tisse. Mais sans cesse, quelque chose m'échappe, apparaît du fond de mes "moi", puis repart s'endormir. Les bêtes auront ma peau mais je la préfère contre la tienne, lisse, et toi sans défauts. Tu t'abandonnes au sommeil là où je perds sans cesse le mien, agité de pensées trouées et de bouteilles terminées. Je préfère cet équilibre, toi assoupie et moi bien éveillée, les yeux béants, écarquillés.

Ah ! Ces monstres que je nourris trop bien, si forts et affamés. A l'heure où la ville se clôt, je guette leur signe, dans l'attente du lendemain. Combien m'en reste-t-il encore à veiller ainsi, à attendre le dernier ? J'ai la vie au bord des lèvres et les lèvres au goulot. Dans ces moments suspendus, je deviens bouche immense. Tout est bon pour me remplir, de fumée et de gorgées, de traces dans mon nez. Je bouche mes trous, de tout ce que je trouve. Mon corps devient douve et je coule à flots. Redevenir forte et forteresse, château assiégé par mes propres troupes, jusqu'à ne rien me laisser.

Pretty Little Liars

Samedi 29 août 2020 à 18:24

- Ne le dis pas à tes parents.
- Et ne le dis pas aux tiens.

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Summer Wine

Mardi 11 août 2020 à 17:48

Août décline et avec lui, les derniers trésors de l’été. Comme toujours, il ne m’en reste que des caresses floues, des mains amies que Septembre reviendra trop tôt me reprendre.

Je change ainsi de peau à la mort de cette saison douce dans laquelle je m’enroule jusqu’au dernier jour ; en tirer encore quelques rayons, un or solitaire que je garde au creux de mes paumes, pirate égoïste. Je le cache à tous, voleur avare, dans l’espoir vain d’en saisir un ultime éclat.

L’automne approche et je lui ôte ainsi des trésors condamnés demain à devenir les souvenirs de l’année à naître.

Zingen

Jeudi 2 juillet 2020 à 18:03

Je ne sais plus quoi être.
Femme ou presque, enfant de fête et de joies fausses, à jouer aux règles des autres et mourir sous les miennes.
Je me bats contre moi.
Tous les jours, me frappe sans forces, me roue de coups, me fous à terre.
Tout ça pour quoi ? tout ça pour moi.
Aime-toi un peu, bella, redresse la tête, oublie ta croupe, relève-toi.
Je m'aide à mes manières, à mes façons tordues. Et dans ma tête, tout mord, tout hurle, et puis s'endort, et puis me tue.
Je vis de nuits blanches, de verres contre mes dents.
Et pourtant au fond de la gorge, ce goût de fer, et toujours, cette odeur sang.

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