Corsica

Mardi 16 avril 2024 à 21:13

Assis sur la plage, tout de noir dedans dehors, je suis des yeux la mer et le ciel, leur ballet pâle sous mon regard lassé. J'observe les ruées et ne pense qu'aux miennes, ravageuses et pur chaos, qui me mouillent du coeur aux chevilles et me laissent navire en dérive, épave éparse.
Déjà, les poissons serpentent entre mes entrailles. De partout, des algues poussent soudain, mon bois gonfle et verdit. Peu à peu, je deviens sous-marine, caillou coulé. Et au fond de mes abysses, je m'enlise, et au plus fort de mes abîmes, je moisis.

Ca y est, c'est la fin, c'est le fond.

M'entendez-vous hurler ? Quelqu'un, quelque part dans tous recoins de ma tête ou de ce monde infâme, percevez-vous mes cris, douleur et rage ? ceux que je tais de mon mieux au flou des nuits blanches, au gré de mes monstres avides que j'avine toujours plus, toujours pleins.
Sous le soleil corse, mes cicatrices virent au clair, strient ma peau brune comme des herbes folles. Le sel et la chaleur me ramènent à des images d'enfant, à ces heures tendres et fraîches où la mort et moi n'étions qu'inconnus, jusqu'à ce qu'elle me prenne en affection, me voit amant et se blottisse sous mes rames, dans mes reins.
Je les porte en moi, elle et ses poisons lourds, une amie létale, latente. Je m'épuise dans ce rôle dur qui pèse sur mes os et brise mes côtes. Mais tout tombeau que je suis, je ne serai pas Rome : je me noircis et m'enfume mais ce brasier ne me fera pas cendre en un jour, pas cendre un jour. Qu'il me dévore à son gré, j'érigerai sur mes ruines, entre feu et fange. Me croire fort ne suffira pas mais cela suffira.

Il nous faut du temps, chère armée ; celui de combattre et de bâtir, puis de reconquérir. Se tuer à la tâche, attendre les jours et tenter de vivre, pieds au sol et armures en main, jusqu'à la délivrance de l'ultime vague.

[__2021]

Pas d'autographes, merci

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