Ugo, ou le presque adieu

Vendredi 12 juillet 2024 à 16:31


- "Je ne comprends pas pourquoi tu dis que tu m'aimes si tu trouves que je suis quelqu'un de si horrible, Ugo."
- "Je n'en sais rien ! Je ne sais pas, d'accord ?! La seule chose que je sais, c'est que ma vie est mieux avec toi que sans toi."


Les gens sont d'étranges manèges. Assis aux côté de leurs vies, j'ai appris à observer sans comprendre leurs chevaux de bois ou de batailles tourner sans fin. J'y pige peu, moi qui suis mon propre spectacle, ma petite foire aux monstres. Peu dressés, affamés mais bien attachés. Leur nature est simple, sans brume. Ils hurlent à la lune, mordent et mangent.
Mais ces humains bien trop comme moi, au coeur si faible et à la raison si molle... Ces créatures-là, moi non plus, je ne sais pas.

Ugo me fait face. Dos aux fenêtres et à la nuit, il fume, la main nerveuse. Trois soirs en neuf mois qu'il m'explique, entre leçon de mes deux et reproches poussiéreux, tout ce qui le dérange chez moi. Dans ce que je fais, dans ce que je suis ou pas. Et en effet, moi, je ne le suis pas. Je prends ce flot en plein corps et en silence. J'écoute, j'encaisse. Je suis doué à ça, me suis façonné à ce truc-là. Et je peux prendre, beaucoup, beaucoup de coups. 
Mais pourtant, vraiment, du plus profond de moi, je ne le suis pas.

Dans ce discours sans sens, ce sont ses yeux qui m'égarent le plus. Deux épées brillantes de menaces, de rancoeur jusque-là inconnue. 
Chaque parole que je tente fait enfler sa rage. Sa voixses mots portent davantage. Voilà qu'il crie presque, me toise dans un dédain prétentieux. Il n'a pas tant changé depuis l'enfance, ce gamin malheureux. En ce temps-là, 17 ans et des épines mais ce "nous", comme un pont au-dessus d'une trop large rivière, ce "nous" échappait aux combats. Parce que c'était toi avec moi, tes bras et mes bras. "Petite soeur", tu répétais. Pas du même coin, pas du même sang, pourtant. Ce sang que je goûte, maintenant.


Tu as toujours été en colère. Contre lui, contre vous, contre tout. Et ce 30 juin, de nouveau mais pour la première fois, contre moi. C'est donc ça, ton nouveau duel. Tes balles ont juste viré de bord. Jamais je n'aurais cru être à l'autre bout, devenir cible à abattre. Morte ou vive, ce qu'on lit sur une prime. J'espère qu'elle te rapportera par dix ce que ta croisade nous enlève.

Je t'ai laissé me détester, donc, ta bouche tirer à bout portant, cracher tes "je t'aime, je t'aime" en stupides boucliers. J'admets, tu n'es pas mauvais soldat. Mais tu tranches au hasard, crocs dehors, torse baissé. Tu m'amuses presque, petit, à me croire faible sur ton terrain. Mène-la donc, ta vendetta. Cette tempête n'est pas ma dernière : vois-tu, je me survis chaque heure et des fins du monde, tant m'attendent, juste derrière toi.
Malgré tout, je m'interroge. Raconte-moi : c'est ça que cela donne, 20 ans d'amitié ? Des prises aux poings, de la joie feinte et des confidences déchiquetées ? 

Pas d'autographes, merci

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